Les copains d'abord (Suite)

Publié le par francois.ihuel15.over-blog.fr

 

Copains de salaire, copains de galère.

 

Les copains d'abord (Suite)

Copains de salaire.

De 1976 à 1980 je "zonais" un peu partout, j'exerçais divers boulots en changeant d'employeur et de domicile dès que j'en avais envie, des employeurs j'en ai eut des dizaines en ces quatre années.

Ce fut aussi une période durant laquelle je sortais beaucoup, surtout au café, quand on est seul on recherche de la compagnie.

Quoi de mieux qu'un bistro pour voir du monde, boire un coup, discuter et jouer au Babyfoot ou aux cartes.

Bien sûr ça coute du pognon, au café avec les copains de salaire on dépense plus qu'on ne gagne, heureusement que j'avais mes combines et mes "extras".

Les copains de salaire sont ceux qu'on voit dès le début du mois, le jour de la paye, ils font ceux qui ont été trop occupés afin de justifier ne plus nous rencontrer dès le 5 de chaque mois, on les voit pendant trois jours, le temps de bouffer la paye dans la picole, quand c'est la dèche ils disparaissent.

Ils payent une tournée chacun, soit six ou sept verres sans que j'ai encore déboursé un sous, c'est à ce moment là qu'on commence à avoir les oreilles qui chauffent, qu'on commence à raconter ce qu'on ne dirait pas en temps normal, quand on se sent super bien on devient généreux, on paye tournée sur tournée et quand on a plus de thune il reste l'ardoise.

Ce qui fait qu'au bout de quelques heures, après avoir refait le monde et la politique, on attaque les conneries et les vacheries sur les autres, les mêmes qui racontent les mêmes conneries et les mêmes vacheries sur nous quand c'est nous qui ne sommes pas là, la bière s'écoule d'un orifice à l'autre sans discontinuer en laissant ses vapeurs dans le bonhomme qui devient de plus en plus prolixe.

A cela se mêlent d'autres consommateurs inconnus alors que les copains de salaire, après nous avoir épongé de quelques centaines de francs, sont repartis chez eux retrouver bobonne et leurs chiards qui bieurlent dans les HLM de carton pâte où on y entend baiser à tous les étages, où y on entend les gars trop bourrés foutre une branlée à leur femme et une rouste à leurs chiards qui gueulent et pleurent sans que quiconque ne bouge.

Moi, n'ayant aucune gonzesse ni merdeux à torcher, je continue à refaire le monde mais dans l'autre sens, la bière coule à flot et l'ardoise s'alourdit à la plus grande satisfaction du patron qui profite de notre ivresse déconnectrice pour marquer quelques verres de plus, non consommés bien sûr, quand on a un coup dans les carreaux on ne sait plus compter.

Fort heureusement, dans mes comptes de début de mois j'ai toujours mis de côté ce qu'il y avait à payer, et j'ai toujours payé ce que je devais pour ne pas risquer d'être en galère, mais ce n'est pas facile à tenir quand on a des copains de salaire.

C'est à cette époque, le 12 Octobre 1976 exactement, à 1h30 du matin, que j'ai fait la connaissance d'un jeune gars qui allait transformer ma vie.

Il avait dix huit ans depuis deux jours, son père l'a mis à la rue parce qu'il avait des moeurs qui ne correspondaient pas à ce que son connard de vieux attendait, les filles n'étant pas sa longueur d'onde à Michel, le genre de père de famille abrutit qui impose sans se préoccuper de savoir si ses enfants n'aspirent pas à autre chose, il faisait trembler sa femme, le genre de connard que je ne peux pas saquer.      

Bien allumé aussi malgré son jeune âge, il m'a raconté son histoire, très banale du reste, on a vite fait le tour mais c'est dégueulasse de constater qu'on met un gamin à la rue pour des différences de fonctionnement.

Demeurant chez un copain à Corbeil, absent pour quelques jours, je lui ai proposé de venir dormir "chez moi", ce qu'il a accepté tout de suite, il venait de passer deux nuits dehors.

Il s'appelait Michel Métreau-Clausse, c'est devenu un copain de galère, nous avons vécu 5 ans ensemble, j'ignore ce qu'il est devenu.       

Les copains d'abord (Suite)
Les copains d'abord (Suite)

Copains comme cochons. (Photos Internet)

Quand on est jeune on ne sait pas très bien définir les objectifs, savoir même si on en a, ne serait-ce qu'un.

Quand on a une vie "facile", que l'argent n'est pas vraiment une préoccupation très majeure, qu'on a du boulot comme on veut, qu'on sait trouver du fric facilement (Honnête même s'il est "spécial"), qu'on a la santé, qu'on ne fréquente pas de fille de façon mordue à s'en rendre malade, la vie c'est au jour le jour.

Des copines j'en ai eut aussi, pas mal même, pas par attachement mais pour la baise, d'ailleurs elles aimaient çà (Ça n'a pas changé), une époque de la vie où on ne regarde pas trop la qualité de la "marchandise" (Du moins pour moi et quelques copains, ce n'est pas une généralité).

Une bonne pipe ou un petit coup de goumi dans la foufoune, voire dans la boite à caca (Propre, une bite à la crème de marron ce n'est pas le top et ça pue) pour celles ou ceux qui aiment (Nombreux d'ailleurs), quand on a la gaule 16 heures sur 24 on prend ce qui vient, n'étant pas difficile je prenais tout, peu importe la qualité et le sexe, me vider les couilles trois/quatre fois dans la nuit c'est ce que je trouvais de mieux pour être clean, bouffer des chattes et des culs.

C'est aussi une autre période partouzes intenses dans la pénombre, à quatre, à cinq, voir plus, se vautrer à plusieurs dans le pageot ou sur des matelas au sol c'est le pied, on ne sait plus qui fait quoi, si on se paye une chatte ou un cul, s'il est mâle ou femelle, une légère ivresse pour lancer la danse, pas trop de picole, ça fait débander, quelques petits pétards et c'est reparti, ça suce, ça baise, ça caresse des corps, ça roule des pelles baveuses aux copains ou aux copines peu importe, la frénésie d'une partouze occulte toute forme d'interrogation, les mains baladeuses sont mecs et/ou gonzesses, les bouches aussi, celui qui n'a jamais partouzé ne sait pas ce que c'est.

Dans l'obscurité, juste une ou deux bougies pour donner une ambiance, quelques bâtons d'encens et de shitt pour atténuer les odeurs de bites, de chattes, de crasse, de foutre, de sueur, quand on s'échauffe la sueur c'est génial les corps glissent plus facilement, on se frotte, on s'entremêle, un tas de viande en extase qui grouille de frénésie, on se déguste partout, les bouches et les sexes se confondent, on baise et on picole en même temps, de cette double ivresse laquelle est la meilleure, les deux combinées je crois, les nuits sont trop courtes, les journées trop longues.

Des soupirs, des halètements, des petits cris quand un trou est trop serré ou une bite trop grosse, il faut préparer l'extase avec un doigt, puis deux, la langue et la salive c'est encore mieux, sauter ou se faire sauter à la cosaque c'est douloureux, surtout à sec, la salive atténue, les huiles aussi, on prenait ce qu'on avait, même du beurre, au bout de quelques minutes tout était bien lubrifié, ceux qui larguaient la purée trop vite participaient à la lubrification, je le répète, c'est une expérience inoubliable.

Ces mélanges de corps débridés c'est une défonce captivante, c'est inoubliable et, quarante ans après, on aimerait remettre ça, dommage que le tempérament ne suive plus, popaul est en berne, coquette se fend d'un garde à vous de temps en temps mais pour retrouver un trou qui la raidisse il faut vachement se motiver.

Putain je déraille à "donf", stop, stop je vais me faire faire des remarques.

Reprenons.

Les copains d'abord (Suite)
Les copains d'abord (Suite)
Les copains d'abord (Suite)
Les copains d'abord (Suite)

Piliers de bistro. Les copains de chute. (Photo Internet)

Des potes j'en ai eut à la pelle, des wagons, des biens, des moins biens et des franchement pas fréquentables, j'ai dû faire partie, à un moment donné, de ces piliers de bistro qui hélas me répugnent aujourd'hui alors que j'en connais les faiblesses et les causes.

En fait, devenir pilier de rade (C'est une appellation argotique parmi tant d'autres) ça se fait tout seul, sans s'en rendre compte, on va boire quelques coups dans des bistros différents puis on fait le choix de ceux qui nous conviennent le plus, ceux qui ont l'ardoise facile et le petit verre du patron fréquent.

L'habitude s'installe, un verre en appelle un autre, le petit "dèj" devient pinard, le premier verre du matin se boit caché derrière un pilier dès l'ouverture du rade, la tremblotte l'empêche de faire le voyage, le verre de blanc sec à moitié plein pour pas en renverser, puis l'autre moitiée pour trouver l'équilibre, après, les autres verres on les remplit à ras bord, pas une goutte ne s'en échappe, la dose est atteinte.

Bien sûr l'aspect extérieur s'en ressent, quand t'as une grosse murge à ne même plus savoir où t'habites la toilette c'est du domaine du miracle, les fringues de plusieurs jours commencent à fumer, les pingots (Pieds) fromageonnent dans des chaussettes tout aussi fumantes, les tifs se raidissent, la barbe de trois ou quatre jours râpe.

Et puis quand tu ne rentres pas parce que tu ne peux plus arquer, tu dors là où tu te trouves, souvent dans des couloirs d'immeubles, du métro, à cette époque j'étais souvent à Paris, les ponts je connais aussi, bitures après bitures on passe doucement de l'autre côté, celui du non retour, il y a intérêt à réagir, où on en sort où on y reste.

C'est la porte de la cloche, le plus beau c'est que c'est attirant, savoir si on continue à se laisser descendre ou si on prend l'ascenseur pour le retour, t'as plus de fric, tu n'arrives plus à en avoir facilement, tu pues, t'as le regard dans le vague, les yeux flottent dans la bière de la veille, tu les "laves" avec celle du jour qui deviendra celle de la veille, et tu t'enfonces, tu t'enfonces, tu t'enfonces de plus en plus.

Contre quelques verres des patrons de bistros te font faire la plonge sans te payer, vider leurs ordures, récurer leurs poubelles qui dégueulent et qui puent encore plus qu'une poissonnerie pas nettoyée de quinze jours à t'en faire dégueuler ta vinasse, ils te donnent un quignon de pains rassis, quelques casse-dalles plus très frais, des fois un kil de jaja qui tourne au vinaigre, ouvert et invendu par oubli, du gros rouge qui tache, qui brule la gueule et les boyaux, il te vire à coup de pompe dans le cul mais tu y reviens le lendemain, pour la picole, pas pour la bouffe, quand tu "tisanes" t'as pas faim.

La déconnection se fait en douceur, des copains nous larguent, les anciens copains de salaire nous ignorent comme si on ne s'était jamais connu, d'autres arrivent, ce sont des cloches aussi, chacun a ses misères mais il les garde pour lui, jamais une plainte, jamais une vengeance, la baise devient rare, il reste la pogne dans le futal pour se vider les burnes, on ne pense même plus jouissance mais soulagement de prostate, on se branle comme on va pisser ou chier, parfois à la vue de tous, ils nous voient mais on ne les voit plus, quand on est en grande galère on ne voit plus personne, on survit par automatisme dans le brouillard de l'alcool.

Les copains de galère, de super galère.

Les copains d'abord (Suite)

Heureusement ça ne dure pas longtemps.

Soit on en sort soit on en crève.

Michel, ce copain de galère, ne m'a jamais lâché, on a subit bien des épreuves et reçus bien des coups, on a traversé la France grâce à mes nombreux employeurs. Là c'est chez moi, à Drancy, j'avais une cuisinière à charbon, logé par mon patron mais on verra ça dans une page "Mes Boulots".

Il m'a fait les pires vacheries mais ne s'en rendait pas compte, il était aussi super attachant, plein de prévenances, quand il avait du fric facile, lui aussi, il m'en donnait à la pelle que je mettais sur un compte, il me considérait comme son père, il m'en attribuait le rôle tout en étant copains très liés, souvent ivre il avait la bière mauvaise, dès qu'il avait un coup dans les mirettes il déconnait à mort, cherchait la baston où je devais m'interposer, ça ma valu quelques cicatrices et quelques nuits au gnouf de quartier, en sa compagnie bien sûr, et ça le faisait marrer ce con.

Pendant trois années consécutives on allait travailler, les étés, dans l'Ile d'Oléron, ses parents y vendaient des babioles diverses, des bijoux de fantaisie, il voyait sa mère et sa soeur en cachette de son père qui l'aurait tué, elles m'aimaient bien et me remerciaient de m'occuper de Michel, il faut dire que je le tenais par la bride pour l'empêcher de faire des conneries, il voyageait avec moi dans mon camion.

Durant ces périodes "oléronnaises" on travaillait en restauration, La Cotinière, Le Château d'Oléron, Boyardville, etc..

Je prenais des locations saisonnières dès Juin, en attendant d'être embauché, après on étaient logés et nourris par les employeurs.

Dans l'ile j'ai travaillé pour les travaux publics comme chauffeur terrassier, j'ai travaillé en poissonnerie également comme chauffeur, j'allais faire la criée à La Rochelle puis livrer les clients.

A la Cotinière nous étions quatre copains saisonniers, un qui était marié mais assez indépendant, il s'appelait Rafik, un arabe qui m'a hébergé durant des années à Evry, ça s'est fait bizarrement d'ailleurs.

Un soir, avec Michel, on a une fois de plus chargé la mule, j'avais toujours de l'argent après ma période de débine et j'ai toujours eut du boulot, je ne refusait aucun "taf", j'ai même récuré la merde des égouts de Ris-Orangis, j'ai bossé aux Grand Moulins de Corbeil, chez Corbeil Porc, et bien d'autres boulots éphémères, remis en bon état, après ces quelques mois d'abîme, j'avais retrouvé de l'allure et de l'attrait, j'arrondissais les fin de mois à Pigalle, à La Madeleine ou aux Tuileries.

Michel "bossait" gare Saint lazare, il picolait le fric qu'il gagnait et ne ramenait jamais rien, quand il avait une bonne passe il débordait de fric, alors là il était super généreux.

Donc, après une soirée bien arrosée, le foyer des jeunes travailleurs, où je logeais provisoirement à Evry, m'a foutu dehors, on rentrait tard et pas vraiment discrets, je me suis "assis" sur le mois que j'avais payé d'avance.

Michel, qui connaissait pas mal de monde, m'a proposé d'aller dormir chez un copain de galère, Rafik, ce dernier m'a ouvert sa porte sans me poser de question, il a mis une assiette de plus à table et m'a invité à rester chez lui autant de temps que je voulais, j'y suis resté trois ans.

Il y avait deux enfants, dans cette maison c'était l'armée du salut, nous étions cinq à squatter chez lui, moi je donnais de l'argent, je ne voulais pas qu'on me fasse la charité, j'avais de quoi payer, je travaillais et gagnais assez bien ma vie.

Les autres donnaient ce qu'ils pouvaient, Rafik acceptait tout, je n'ai jamais rencontré un gars aussi généreux avec un tel coeur et un tel dévouement pour les autres sans rien attendre en retour.

Il y avait un autre copain de galère, Serge, un ancien copain d'école dans la débine, lui il vivait de démerdes et de rapines, Rafik travaillait dans divers établissements en restauration, ceux qui embauchent facilement mais qui débauchent tout aussi facilement, qui payent au noir avec un bulletin de salaire minable.

La galère à plusieurs ça se supporte mieux.

Ah merde, il est 19h30, demain la suite.

Bonne soirée à tous.

 

Pour me rejoindre, continuer à me suivre et partager ce blog,

inscrivez-vous à la newsletter, bandeau droit du blog. 

 

Il y en a qui vont dire "il est cinglé le père Ihuel à se répandre comme çà" !  C'est possible mais je n'en ai rien à branler de ce que pense ou disent les autres, la vie c'est un grand plat de merde qu'on bouffe tous les jours, cette vie d'autres l'ont vécu aussi, d'autres la vivent dans la honte, il ne faut jamais avoir honte de soi quand on a galéré, ceux qui devraient avoir honte ce sont ceux qui critiquent ce qu'ils n'ont jamais connu, ceux qui montrent du doigt sans savoir, ceux qui s'y prennent sans y être.  Tout ce que j'écris c'est l'exacte vérité.

 

Publié dans Vie privée

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Et bien ce n'est pas moi qui dirait que le père Ihuel est cinglé ... Oui ! la vie c'est un gros tas de merdes 'au pluriel) et au bout du compte quand on arrive au bout de sa vie, ne se dit-on pas "à quoi ça peut bien servir tout ce que j'ai vécu là puisque je vais mourrir et je n'emmenerais pas tous ces souvenirs dans ma tombe " donc, en résumé, "la vie ne sert à rien et ses anecdotes non plus" ... oui ! mais là, je vais faire mon sale con de Nihiliste et ça !, par contre, ça risque fort de ne pas plaire à tout le monde ... Alors je vais continuer de savourer vos histoires vraies toujours aussi plaisantes à lire et surtout croustillantes. Merci François, bien amicalement. <br /> PS : Et je partage aussi votre avis (et comme la plupart du temps) sur votre précédent article à propos des "appels de phares" mais je vais modérer mes paroles pour ce soir (oui je fatigue un peu) envers celles et ceux qui agissent de la sorte ... Appel de pares
Répondre
F
Dans la communauté on est toujours le cinglé de quelqu'un, comme on est aussi le con d'autres, c'est une logique sociétaire, on ne peut pas plaire à tous le monde, c'est juste une question d'acceptation, c'est justement cette expérience acquise dans divers milieux qui me permet de tolérer ce qu'on me refuse mais ça ne m'empêche ni de vivre ni de continuer, je ne porte préjudice à personne. Ce qu'on vit sert toujours à quelque chose, ne serait-ce qu'à soit même, ce qui n'est déjà pas mal