Triste époque

Les jeunes d'aujourd'hui, ce sont les vieux de demain, qu'ils s'en souviennent quand ce sera leur tour

Les déchetteries humaines

Autrefois, les vieux mouraient à la maison.
Ils faisaient partie du paysage, du bruit du feu, des repas, du temps qui passait. On ne se posait pas la question de savoir s’ils coûtaient trop cher, s’ils dérangeaient ou s’ils avaient encore toute leur tête.
Ils étaient là, simplement.
Et quand venait leur heure, la mort ne surprenait personne : elle faisait partie de la vie, elle avait sa place dans le cercle.

Aujourd’hui, on a remplacé les cercles par des couloirs.
On range les anciens dans des bâtiments impersonnels où l’on gère leurs repas, leurs toilettes, leurs heures de visite. Ce ne sont plus des aïeux, ce sont des dossiers.
L’institution a pris la place de la famille, et la société se félicite de bien faire, comme si l’organisation pouvait remplacer la tendresse.

Dans les temps anciens, rares étaient ceux qui dépassaient soixante-cinq ans, mais jusqu’à leur dernier souffle, ils restaient entourés : les enfants, puis les petits-enfants, prenaient le relais.
La vieillesse n’était pas une charge, c’était un passage, un dernier enseignement donné par la simple présence.

Aujourd’hui, la longévité n’a pas apporté la sagesse : elle a apporté la solitude.
On vit plus longtemps, mais on meurt plus souvent loin des siens.
Et dans cette société de vitesse, les vieux deviennent des objets qu’on dépose en bord de route, avec un peu de honte et beaucoup de justification.

Ce n’est pas le vieillissement qui fait peur, c’est ce qu’il révèle :
notre incapacité à aimer quand il n’y a plus rien à consommer.
Les EHPAD ne sont pas le problème : ils sont le miroir d’une époque.
Le miroir d’une humanité qui ne sait plus regarder la fin autrement que comme une gêne à éliminer.

Les anciens ne sont pas des Kleenex.
Ils sont les gardiens du feu que nous laissons s’éteindre, faute de savoir encore nous réchauffer les uns les autres. 

À méditer.

Bonne soirée à tous.