Compliment
Venant d'un auteur connu et primé ça fait du bien un compliment
Un auteur connu et primé.
Claude Arnaud je l'ai découvert à travers son livre "Qu'as-tu fait de tes frères", je me suis retrouvé dans ces années 1950/60 alors que j'habitais à quelques encablures de son domicile.
La situation géographique, Paris surtout, m'a remémoré ce monde où j'ai tant vécu d'aventures diverses et souvent incertaines.
Aussi, lui ayant envoyé quelques-uns de mes livres, je ne pensais pas soulever un tel retour, n'ayant aucune prétention littéraire j'écris comme ça vient sans me préoccuper de la forme, ne gardant que le fond.
Alors de recevoir un compliment ça fait toujours plaisir, d'autant que je découvre que le sujet de mes livres serait intéressant pour bien d'autres.
J'avais déjà eu du retour à travers un auteur qui est également biographe, une de mes pages antérieures.
Ces compliments me font plaisir, au moins je n'aurais pas passé des milliers d'heures d'écriture pour du vent.
Voici ce compliment.
Bonsoir François Ihuel,
Ça y est, j'ai pu trouver deux pleines journées pour vous lire, j'ai donc commencé par le tout premier tome, "Onze métiers - Cent galères".
Vous avez trois atouts en main, une excellente mémoire, à la fois visuelle et "détailliste", une sincérité qui fait qu'on ne doute jamais (à une exception près, j'y reviendrai) de la véracité de tout ce que vous nous racontez, et une libido impérieuse qui nous sert de fil rouge narratif et nous permet (quand l'homosexualité nous concerne d'autant plus) de tourner avec impatience les pages, en se demandant quelle nouvelle rencontre vous allez faire, quelle nouvelle aventure vous allez vivre.
Le portrait que vous dressez de la vie précaire d'un gamin d'un milieu à la fois populaire et conservateur (armée + église) est superbe, et je ne voyais pas, en vous lisant, d'équivalent littéraire, ni même de roman centré aussi clairement sur un titi parisien des années 50, si caractéristique de ce peuple ouvrier qui a été chassé de la capitale entre les années 70 et 80 : il y a des restes de Zola dans votre portrait (alcoolisme + violence + pénuries alimentaires) mais un Zola porteur d'aucune révolte, fataliste comme l'étaient justement les Nana ou les Lantier, et cela m'a bcp touché de voir qu'il existait, à 5 ans de distance et à quelque centaines de mètres de la porte de Saint-Cloud où j'ai grandi, un monde aussi précaire, aussi modeste, presque misérable par certains aspects et aussi joyeux à la fois ( la p. de St-Cloud ne l'était pas) : je ne vois que "La guerre des boutons" (qui me fascinait ainsi que mon frère Philippe) pour m'avoir fait "entendre" des échos d'un monde comparable.
M'a beaucoup intrigué aussi la cohabitation assez paisible, en vous, entre l'enfant de choeur exalté par la messe en latin (avez-vous lu Jouhandeau?) et le masturbateur frénétique, le gamin respectueux de l'autorité et le petit chapardeur sans scrupule : jamais une plainte, jamais un mot pour dénoncer ceux qui ont pu abuser de vous, ou qui vous ont réduit à une situation de "dominé" - à rebours de l'affreux lamento contemporain où tant de fils et de filles de familles veulent à tout prix se faire passer pour des victimes traumatiques...
Au début je me suis souvent dit : "Quel dommage que F.I. n'ait pas eu un vrai éditeur, celui-ci l'aurait encouragé à couper les redites, à réduire les longueurs, à condenser l'action, à enlever ses références fréquentes à d'autres tomes d'Adhomo, à corriger les quelques petites erreurs (piscine Deligny et pas Molitor, p. 111 - cette dernière est située dans le XVI° arrondissement, c'est là que mon frère ainé m'a sauvé de la noyade -, Arlette Laguiller n'était pas encore un personnage public en mai 1968 (p. 543) et Krivine (p.) n'était pas anarchistes mais trotskyste (p. 563)), où à clarifier certaines tournures un peu énigmatiques (que voulez-vous dire par : "j'avais un sosie mémoriel dans cette classe" ? p. 549).
Mais très vite j'ai atténué ce premier jugement en me disant: "Ce qui est perdu en efficacité littéraire est gagné en effet de vérité, c'est bien la voix d'un gamin du Paris populaire des années 50 qu'on entend, avec son vocabulaire, son phrasé, sa syntaxe assez particulière, sa crudité, son énergie sociale et sa faim sexuelle, ce n'est pas un écrivain professionnel qui veut un prix ou l'Académie, et c'est ce qui donne à votre témoignage sa force : il emporte, avec votre intimité, tout un pan d'histoire sociale, elle devient une forme - certes un peu marginale, mais pas tant que ça - de la sensibilité populaire d'alors.
A ce titre c'est un témoignage qui mérite de rester, car, vous le remarquez vous-même, les mentalités ont beaucoup changé depuis. Et autant votre récit est aussitôt compris par quelqu'un comme moi, qui n'ait que 5 ans de moins que vous et qui, tout en venant d'un autre milieu, a pu partager nombre de vos aventures dans les limbes du Paris homo et marginal, autant il risque de surprendre, et surtout de choquer les lecteurs d'aujourd'hui, qui ont à nouveau de grande exigences de morale sexuelle - et à ce titre il pourrait beaucoup les éclairer, sinon les "déniaiser".
Je reviens sur le seul point où j'ai été traversé par un doute, c'est le rôle du père de Didier dans la prostitution de son fils ( et donc la vôtre. En l'état, on a eu mal à croire qu'une famille aussi bourgeoise (et aussi riche) ait pu encourager un tel commerce. Qu'elle vous accueille et vous gâte comme un gendre relève déjà du miracle, dans les mentalités d'alors, mais là...
Il aurait fallu "creuser" les éventuels ressorts de cet homme (et de sa femme aussi!), même si vous les ignoriez en partie. Il semble avoir 50 ans d'avance sur les moeurs et en même temps appartenir à un monde préhistorique ( il serait aujourd'hui dénoncé et emprisonné (encouragement au proxénétisme de mineur, aggravé par son statut paternel).
Connaissez-vous Philippe Lejeune? C'est un universitaire qui a consacré toutes ses recherches et pas mal d'ouvrages à l'autobiographie. Il est cofondateur de l'Association pour l'autobiographie et le patrimoine autobiographique, créée en 1992, et de l'ITEM (Institut des textes et manuscrits modernes qui organisent beaucoup de rencontres et de colloques sur ce même thème à l'école Normal Supérieure (http://www.item.ens.fr/) Je pense que vous devriez prendre contact avec ces deux institutions, et si jamais vous le souhaitiez, je pourrais vous aider à le faire en ce qui concerne l'Item, c'est un "document" qui devrait beaucoup les intéresser.
Je vous remercie très sincèrement pour tous ces volumes ( les avez-vous déposés à la Bibliothèque Nationale?) et je vous dis à très vite.
Chaleureusement
Claude Arnaud
Il révèle aussi mes faiblesses littéraires et mes erreurs, ce que j'apprécie, je remercie toujours les gens qui me reprennent sur les fautes que j'aurais pu publier, cette critique me concernant m'étant utile à rattraper ce que j'aurais écrit par erreur ou oubli, la critique est toujours constructive et doit être considérée non comme une moquerie mais comme un autre compliment, celui d'attirer l'attention en recadrant ce qui la mettrait en péril.
J'apprécie ce qui ressort d'un professionnel, Claude Arnaud, primé publié par une grande maison d'édition, est un auteur à ne pas manquer.
En effet, la piscine dans laquelle j'allais parfois c'est Deligny et non Molitor, la mémoire parfois me joue des tours.
Et en effet Arlette Laguiller n'était que meneuse de grève en 1968.
Pour Krivine la faute m'incombe, puisque j'avais tendance à faire l'amalgame entre anarchisme et trotskisme, dans l'agitation de ces évènements, que j'ai vécu, la différence ne m'apparaissait pas, mais je ne faisais pas de politique, je ne subissais que les actions proche de mon domicile du moment, à deux pas de la Sorbonne.
En ces temps de troubles sociaux je mélange un peu ces gens, que j'ai vus ou côtoyés un instant, dans le tumulte de Mai 1968 où j'étais impliqué bien malgré moi.
Donc merci à Claude Arnaud de rectifier ce passage qu'il a également bien connu, lire ses livres c'est aussi se plonger dans ces années sociales très loin de ce que c'est aujourd'hui.
Bien entendu j'explique aussi ce qui interroge M Claude Arnaud, à savoir le père à Didier, il est rare d'avoir des comportements si exceptionnels, surtout à cette époque.
Bonne journée à tous.
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