Echelle de Beaufort et marine en bois
Pour information.
Deux de mes lecteurs me demandent....
....quelle force est à attribuer à la tempête dans laquelle se trouve le navire de la Marine Nationale sur ma page "Janvier 1969, Golfe de Gascogne".
Là c'est force 11, l'avant dernier degré avant l'ouragan, les navires de haute mer et les navires de guerre sont conçus pour résister, les bateaux de pêche ne sortent pas, les navires de plaisance non plus sauf si leur capitaine a envie de se suicider.
Une tempête ce n'est pas une petite balade en mer agitée pour se donner des sensations, une tempête peu durer plusieurs jours et c'est incessant, pas un coin du navire n'y échappe, certaines vagues dépassent trente mètres (Entre creux et crête, pas en hauteur mais en amplitude), les vagues scélérates peuvent atteindre cinquante mètres, elles sont assez rare mais quand on est pris dedans c'est une sensation inoubliable et de quoi "flipper", un mur d'eau qui nous cache même le ciel (Quand on est dans la passerelle) c'est une sensation qu'on n'oublie jamais.
Par forte tempête toutes les issues sont hermétiquement fermées, sortir serait de la folie pure, un paquet de mer peu emmener n'importe quoi, y compris des gros matériels arrimés, il m'a été dit qu'en 1964 une tourelle d'affut de 127 mm a été soulevée de sa cavité de fonctionnement pour disparaitre en mer, sur le Chevalier Paul, navire de la même classe que Du-Chayla, ça pèse plusieurs dizaines de tonnes mais il a dû y avoir des circonstances conjointes pour que ce très rarissime accident arrive bien que la puissance de l'eau soit incalculable.
Mon poste de veille, quand j'étais de quart, c'était veilleur tribord, donc à droite du navire à l'extérieur de la passerelle de commandement, dès force 10 on est obligé de rentrer à l'abri de cette passerelle, les paquets de mer conjugués au roulis peuvent faire passer un marin par dessus bord aussi facilement qu'une allumette dans un lave vaisselle.
Mon poste de veille c'était exactement ici.
Cette photo a été prise en Janvier 1969 par un copain de la marine sur le Du-Chayla, je me demande même si, des fois, ce ne serait pas ma main droite qui y figure.
Le plus "bandant" c'est la tempête en pleine nuit, les embruns, le vent, le sel qui s'immisce partout sur la peau et dans les fringues, qui brûle les engelures saignantes des mains, le froid qui engourdit ces dernières (Les très puissantes jumelles d'observation sont chauffées ainsi que les manchons de tenue), l'eau salée qui nous trempe jusqu'au slip, le bruit des encablures qui claquent et le sifflement du vent dans la mature, c'est une vie spéciale et inoubliable loin de la petite balade d'été sur un zodiac.
Il faut tenir quatre heures ainsi, puis huit heures de repos et de nouveau quatre heures de veille, sur un navire on fonctionne par tiers.
Sur un navire il y a toujours quelque chose à faire, en mer comme à terre, personne ne reste inoccupé, c'est aussi çà la vie à bord d'un navire.
Mon poste de combat se trouvait dans l'affut anti-aérien 57 mm tribord, chargé des équipements électriques, du chargeur automatique des obus qui montent de la cale et des équipements de tir des canons, mon poste de manoeuvre à l'accostage et à l'appareillage était plage arrière bâbord au touret d'aussières et coussins d'amarrage, qu'on positionne le long de la coque du navire pour ne pas heurter violemment le quai, ce qui occasionne des dégâts.
Quand j'étais de garde, à terre comme en mer, je faisait la visite de sécurité des soutes à munitions et du barillet des missiles, des locaux torpilles et roquettes, une responsabilité à appliquer sans faille, le moindre problème peut générer des catastrophes, à bord il y avait 580 tonnes de munition et 1 600 tonnes de mazout, le navire en ordre de marche pèse 3 800 tonnes.
Mes temps de "loisir" je les passais parfois avec un copain mécanicien, je descendais avec lui aux machines qu'il me faisait visiter, ce sont des sensations extraordinaires ces machines pleines de vie, il me faisait visiter les lignes d'arbre, la cale des manoeuvriers et le local barre, etc..
Une aussière.
J'étais chargé de lover les aussières sur une des bittes d'amarrage (Rien à voir avec la quéquette) en faisant attention à relâcher en temps voulu quand l'aussière bandait de trop, pour éviter qu'elle ne rompe, un cable ou une aussière qui romp peut couper un homme en deux comme une fleur sous une cisaille. (Une aussière c'est gros comme le bras)
Les aussière modernes sont en nylon, celles du Du-Chayla étaient encore en chanvre, il fallait les mouiller pour qu'elles ne s'enflamment pas quand on les laissait filer sur la double bitte, tendre assez mais pas trop, toute une technique qui s'apprend vite surtout quand on prend un bon coup de pompe dans le cul quand on fait une connerie, là on apprend encore plus vite.
Pour l'amarrage on avait des câbles et des aussières, ces dernières plus adaptées aux navires, elles ont l'avantage de s'étirer suivant la houle et le vent contrairement aux câbles trop rigides qu'on n'amarrait qu'une fois le navire immobilisé.
Photo : Une aussière en chanvre, un des tourets tribord d'aussières et une double bitte du Du-Chayla.
Dans la marine "en bois".
Lorsque les navires n'étaient pas encore métalliques, les aussières et cordages divers comportaient des "garde rats" afin d'empêcher ces rongeurs de monter à bord, ces rongeurs s'attaquaient aussi à la coque quand il n'y avait plus rien à manger d'accessible, les voies d'eau sont dangereuses en pleine mer même si chaque navire disposait d'un charpentier et de bois de réparation.
La légende dit qu'il y avait aussi des chats, j'en doute, la superstition des gens de mer de l'époque interdisait tout animal à bord, ainsi que les femmes qui portaient malheur, seuls les oiseaux étaient tolérés.
Pour les femmes ce serait surtout du fait que les nombreuses attaques de pirates et corsaires ciblaient plus facilement cette "denrée", les navires qui transportaient des gens étaient donc une cible privilégiée, d'une part pour les rançons de femmes et d'enfants, d'autre part pour les richesses qu'emmenaient ces "voyageurs".
Sur un navire, un homme reste un homme, nécessité fait loi, les mousses sur les navires d'antan étaient "engagés" en pleine connaissance de cause par le capitaine et certains sous-officiers pour satisfaire le "plaisir" de ces derniers, l'équipage, lui, faisait comme il pouvait, la masturbation ou d'autres marins d'où la légende des marins PD. (Légende ou réalité, il ne faut pas occulter l'impérative nécessité des besoins, le "tonneau" a réellement existé)
Certains mousses désobéissants étaient punis en étant "logés" avec l'équipage, je vous passe ce qui en découlait, beaucoup en mourrait, ne pas oublier qu'à ces époques les équipages restaient des semaines en mer sans voir la terre, la durée d'un voyage ne dépendait que des vents, les hommes qui mourraient en mer étaient immergés, l'eau douce était mieux gardée que l'or, la nourriture aussi.
Les mousses de moins de quinze ans qui étaient capturés sur un navire attaqué étaient épargnés à condition de servir leur nouveaux maître, sur la marine il y a des tas de légendes mais aussi des vérités.
J'ai des tas d'histoire sur la marine, celles vécues et celles enttendues.
A très bientôt, pour autre chose.
Bonne soirée à tous.
Un petit bonus
Une tempête est un phénomène météorologique violent à large échelle dite synoptique, avec un diamètre compris en général entre 200 à 1 000 km, caractérisé par des vents rapides (tourbi...
https://www.youtube.com/watch?v=Pel8GtcQbmc&feature=youtu.be