Les routiers sont sympas
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Mon premier Poids lourd.
Stradair bétaillère de 10 tonnes en 1972. (Ce n'est celui-là mais un identique)
Je travaillais pour Central-Abats à Monceau-les-Mines (Saône-et-Loire ou 71) chauffeur mais aussi employé de triperie, ramasse des abats chez les bouchers-charcutiers et en abattoir, livraison des sous-abats pour les usines de transformation d'aliments pour animaux. (Ronron, Fido, etc.., c'est la même usine, près de Strasbourg, sous des étiquettes différentes, ce qui permet de créer une concurrence imaginaire justifiant des différences de prix (A l'époque mais ça n'a dû guère changer))
Un de mes nombreux emplois dans divers domaines, à Corbeil-Essonnes chez Corbeil-Porcs puis à Vaugirard aux abattoirs, récupération, vidage, nettoyage des panses de bovins, transport et traitement pour livraison chez Cathelin à La Vilette. (Les tripes Cathelin étaient très réputées, je ne sais si ça existe toujours) 4h30 du matin à 21h30 tous les jours sauf le dimanche réservé au nettoyage du camion et contrôle sanitaire de la DDE le lundi matin. J'ai survécu.
Le plus amusant c'est que je n'avais pas encore mon permis poids-lourd, nous étions souvent sur des petites routes de campagne jamais contrôlées, les rares fois où j'ai été arrêté par les gendarmes ils ont "laissé couler" par une remontrance et un avertissement, connaissant bien l'entreprise. (Bien entendu c'était des pratiques d'un autre âge, que personne n'essaye ce genre de prouesses aujourd'hui)
Un autre monde révolu, dommage quelque-part.
Berliet GLR.
Cinq cylindres, 140 chevaux, pas d'assistance de quoi que ce soit, tout se faisait à "l'huile de coude" (Expression qui veut dire que c'était très physique, pour ceux qui n'ont jamais connu c'est une expérience)
On monte les côtes en seconde et pas question de s'arrêter dans la grimpette, repartir est une épreuve, les vitesses ne passaient qu'au "tour près".
Cabine rustique avec juste ce qu'il faut pour conduire. (Moins abimée quand-même)
Les autoroutes étaient encore rares, sur les nationales à deux voies (une dans chaque sens de circulation) il était fréquent de trimbaler une "brochette" de plusieurs centaines de mètres de voitures derrière soit, bien involontairement et quand je le pouvais je m'arrangeais pour laisser passer les automobilistes, certains furieux de leur ignorance de nos contraintes de routier.
Charger et décharger était très physique, pour les marchandises unitaires indivisibles il fallait débâcher en roulant la bâche (En toile huilée) sur le berceau au-dessus de la cabine du camion.
Comme sur cette photo Internet.
Une bâche bien mouillée, qui pèse trois fois son poids, c'est une galère à mettre en place, ce sont des pratiques anciennes que les chauffeurs actuels refuseraient maintenant, c'est ce qui différenciait un vrai routier d'un "guignol", celui qui voulait bien faire avancer un camion sans jamais penser que les impératifs du métier c'est d'abord la manutention hors conduite.
De la même façon il fallait changer les roues soi-même en cas de crevaison, assez fréquentes, une roue de camion c'est plus de 100 kg, pas d'entreprises spécialisés qui viennent avec compresseurs et autres, tout à la main, à la clef, la rallonge et la rallonge de rallonge. Changer une roue c'est minimum une heure quand tout va bien.
Alors quand les écrous sont "soudés" par la boue séchée et la rouille c'est un régal, il y a toujours un écrou qui ne veut pas venir ou qui casse. (Sur douze ce n'est pas bien grave, quand plusieurs cassent il faut répartir les écrous des autres roues pour en avoir assez sur chaque roue, opération provisoire le temps de trouver un garage), quand il gèle, qu'il neige ou qu'il pleut on est de bonne humeur pour le restant de la journée.
Ensuite il faut remonter la roue crevée sous le camion à l'emplacement prévu, un câble à manivelle pour la remettre en place, vérifier que tout est bien solidaire avant de repartir.
50 km après, arrêt pour resserer les écrous, puis après 100 nouveaux km, puis régulièrement jusqu'à ne plus pouvoir bouger aucun écrou, j'en ai vu des gars perdre des roues en roulant à cause de cette négligence.
Camion UNIC IZOARD 200.
260 chevaux, (Même pas la moitié des camions actuels) pour tirer 35 tonnes, consommation entre 50 et 55 litres au 100 km, pollution garantie 100 % anti-écologique mais il n'y avait que ça.
Le même mais j'avais une citerne de 23 000 litres, pareil, éviter de s'arrêter dans les montées, la répartition des liquides n'était pas comme aujourd'hui, le ballant déstabilisait la remorque, conduite très spéciale.
C'est la période de l'avènement des camions plus performants, le VOLVO F88 en était le plus célèbre et le plus performant avec ses 380 chevaux, le TOP à l'époque, monter Bessey-en-Chaume (A6 avant Beaune) en ne redescendant que deux rapports c'était génial. (Pour l'époque, et pour ceux qui se rappellent, qui n'a pas entendu les camions changer de régime en montant les côtes, un travail manuel fatiguant sur des milliers de kilomètres)
IZOARD 200, moteur au milieu de la cabine, relais pneumatique, huit rapports avant (seize avec le relais) et deux arrière, double pédalage pour monter les rapports et double débrayage pour les descendre, de quoi muscler les bras et les cuisses, pas d'assistance. On a survécu.
1975, SM 170.
Porteur 19 tonnes, 170 chevaux, livraison régionale, mal rasé, ou plutôt pas rasé du tout, l'âge des essais.
Travail manuel très physique, le véritable apprentissage, manutention, contact avec les clients, endurance, ténacité, une école de la vie rugueuse et dure, peut-être la meilleure finalement.
Et si, c'est bien moi en 1977.
Je travaillais pour FRT (France Route Europe Transport à Laon (02)) 3500 à 4000 km par semaine, bouffer des kilomètres, gavé d'alsphate avec un véhicule pas trop en état, une heure de sommeil par-ci, deux par-là, rouler, charger, rouler, décharger.
Sur la photo, un samedi, je finissais la semaine par une livraison de 120 m3 de polystyrène expansé à Melun, chargé la veille au soir à Mont-de Marsan, j'étais claqué mais je tenais à faire une photo (Un photographe de Ris-Orangis) avant d'aller dormir un peu.
C'est l'époque où je roulais 48h00 sans dormir, à grand renfort de café et de cigarettes, une expérience, une épreuve aussi, je ne disposais pas de tout dans ce camion essoufflé, la couchette était dure et pas très soignée, les arrêts en bord de route n'étaient pas de tout repos, cabine courant-d'air trop chaude en plein soleil et glacée la nuit.
Très peu de contrôles de gendarmerie, on roulait au "petit menteur", carnet de route qu'il fallait remplir à chaque repos et à présenter aux gendarmes en cas de contrôle.
"Petit menteur" parce qu'on mettait ce qu'on voulait là-dessus, pratiquement impossible de détecter une fraude quelconque, la réglementation balbutiante imposait d'avoir ce moyen de contrôler les trajets parcourus et les périodes de repos. Certains chauffeurs avaient deux carnets.
A cette époque on ne parlait de FCO, FIMO ni tout ce fatras administratif plus lucratif pour l'Etat qu'utile pour les routiers, une visite médicale tous les cinq ans et roule, la seule obligation incontournable de la visite médicale c'était de n'avoir aucune trace d'absorption de boissons alcoolisées, non sur deux jours mais sur une quinzaine, la plupart des médecins, ceux des services des mines, demandaient une prise de sang à ceux envers qui ils avaient des doutes, les Gama GT qu'ils appellent çà, analyses qui détectent des traces d'alcool sur plus d'une quinzaine de jours.
A ce niveau pas de problème, avec la fatigue que je trimbalais souvent je ne risquais pas d'y rajouter cette "merde", je n'aurai pas fait la moitié des kilomètres parcourus, soit 3 876 400 km de Février 1970 à aujourd'hui sans compter les trajets ferroviaires, ça me ferait plus de 5 000 000 de km. (C'est facile à vérifier je possède toutes mes archives)
Je n'ai pas regretté cette société, de l'abattage, je l'ai quitté suite à un accident causé par une voiture qui s'est déportée sur la gauche arrivant en face de moi, impossible de redresser mon camion a glissé dans un fossé et s'est couché.
Pas trop de dégâts, mon employeur voulait me retenir les frais de réparation sur mes salaires, j'ai démissionné et les Prudhommes ont tranché, règlement intégral des sommes dues et indemnités pour non paiement de mes salaires dans les temps. (Sept mois après, quand il faut bouffer c'est dur, heureusement que j'ai des amis)
UMHS 1978 à Corbeil-Essonnes.
Transport et livraison de bouteilles de gaz Primagaz, celles qui ont des oreilles.
Butane 13 kg
Propane 13 kg
Propane 35 kg
Ce n'est pas le poids de la bouteille, c'est le poids de la charge de gaz par bouteille, les petites pèsent 25 kg pleines et les grandes 58 kg pleines.
La photo n'est qu'à titre indicatif, ma "semi" était plus basse et ne pouvait tenir que 12 palettes de 35 bouteilles, le tracteur était plus modeste et moins moderne, un Renault de 240 chevaux.
Les bouteilles de 35 kg étaient couchées dans une palette vide, on en mettait 7.
Je livrais tous les jours, 6 jours sur 7, 385 petites bouteilles et 7 grandes, à décharger à la main et porter chez les clients, souvent des petits détaillants âgés qui faisaient ça pour arrondir leur fins de mois.
Ça fait aussi 385 bouteilles vides à recharger dans les palettes pour les ramener à l'usine de Grigny (Essonne ou 91) plus quatorze grandes que je trimbalais sur l'épaule quand je ne pouvais les faire rouler, souvent surtout chez les agriculteurs aux sols en terre battue.
Tous les jours je manipulais environ 12 tonnes de bouteilles, uniquement à la main, pas besoins de somnifère pour m'endormir le soir, çà a duré onze mois, j'avais les bras à Popeye, le dos en compote et les épaules devenues insensibles.
Par contre bien payé, il faut bien une compensation.
1979/1980, TP.
TP pour travaux publics, ceux qui connaissent auront percuté tout de suite.
J'ai été embauché cinq mois en remplacement pour conduire ce genre de véhicule sauf que c'était une benne.
Cabine moderne et fonctionnelle.
Les contraintes des travaux publics sont énormes, c'est une expérience que je ne renouvellerai pas par la suite à ces dimensions.
1981, Carcassonne.
La photo est prise à Carcassonne bien que rien ne le laisse paraître.
Le transporteur est de Pantin près de Paris, un patron comme je n'en ai plus eu en dehors des Cars Silvestre à Briançon.
Je les appelle les "patrons en or", rares, très rares.
D'ailleurs il y a un signe qui ne trompe pas, un patron qui garde son personnel est un bon patron, juste faire l'expérience et se renseigner sur les places offertes, plus l'embauche est nombreuse dans le courant d'une année et plus les problèmes existent, c'est mathématique.
Du personnel qui se sent bien dans une entreprise c'est une entreprise qui fonctionne bien, c'est un patron qui connait le boulot et qui respecte son personnel.
Cet employeur là c'était les Transports Détain, hélas décédé maintenant, une petite entreprise de messagerie nationale, départ le dimanche soir pour diverses régions, trente à quarante clients à travers toute la France, retour le samedi midi quand tout va bien. Quand le fret manque c'est la galère et on reste parfois quinze jours sur la route sans rentrer.
Je faisais mon fret de retour dans les bureaux de fret (Qui n'existent plus) comme Garonor à Aulnay-sous-Bois ou la Satar à Perpignan je réservais par téléphone deux jours avant la fin de mes livraisons, c'est pas très logique mais avec un petit billet dans le carnet de récépissés c'est du gâteau.
Je chargeais souvent à Perpignan, la Satar ou les Messageries du Midi, départ vendredi soir vers 18h00 pour livraison impérative le samedi avant 7h00 du matin, autant dire que pour avaler les 982 km qui séparent Perpignan de Paris il ne fallait pas s'amuser en route.
Il m'arrivait de charger à Marseille ou Nice, voir Toulouse, il fallait absolument trouver du fret de retour pour arrondir les bénéfices, on disait "Payer le gasoil de retour". Mon patron me donnait, chaque mois, 10% sur le prix du fret de retour que j'avais personnellement trouvé, il m'est arrivé de tripler la paye.
C'est l'époque ou j'avais enfin du pognon après des années de galères et de vaches maigres.
Sète en 1981.
Au bord de la mer, un camion qui faisait plus domicile que celui que me fournissait mon patron, logé gratuitement, pas de frais, pas d'impôts locaux ni d'électricité à payer, juste mon charbon pour l'hiver. La paye c'était presque de l'argent de poche en totalité, j'en ai mis du "blé" de côté.
Ma précédente période "faste" financièrement remontait aux années 1966/68 quand je bossais sur Paris, j'habitais alors près du Moulin-Rouge Boulevard de clichy, une chambre de bonne sous les toits au-dessus des "trois épis".
Bref, passons.
1981, Cannes la Bocca.
Une tournée régulière tous les quinze jours, une de mes meilleures tournées, de celles qui me faisaient beaucoup de pognon.
J'étais le seul chauffeur à accepter tous les trajets, toutes les contraintes et toute la "merde", celle que ne voulaient pas faire les autres chauffeurs.
Des contraintes de ce genre :
Disque routier.
Un gendarme qui voit ça aujourd'hui me met en garde à vue immédiatement (Il est bien connu que tous les routiers dépassant les temps de conduite sont des criminels) un disque comme celui là c'est des coups à lui faire subir une attaque cardiaque.
Alors si je sors toute la panoplie il y en a d'autres.
Avec chevauchement de temps de conduite.
Sur le même disque bien sûr, constatant aussi le manque de coupure et de repos.
Une collection digne d'un vrai "truant".
Le dernier pour la gloire. (Heu, Daniel, il y a prescription, non !)
C'est bien pour dire que les routiers sont des fainéants, toujours assis le cul sur un fauteuil ne se contenter que de conduire. Je mets ça parce que je l'ai souvent entendu.
Sauf qu'une fois arrêté ce n'est pas pour se reposer, c'est pour livrer les clients, décharger ou recharger suivant l'entreprise cliente.
C'est aussi pour se restaurer et pour prendre une douche dans un "routier", les cabines de camion font couchette mais pas encore douche (Du moins en France, les camions américains et australiens sont pourvu d'un cabinet de toilette)
Comme celui-là.
Les restaurants routiers, du moins avant, étaient très nombreux sur les bords de nationale, les parkings se remplissaient vite, arriver après 20h00 laissait peu de chance d'avoir une place préférentielle près de l'établissement.
Des "Routiers" renommés.
J'en connaissais pas mal, pas de grands établissements mais de grands parkings, pleins dès 20h00.
Comblanchien.
Entre Beaune et Châlons, un de mes restaurants préférés.
Une ambiance spéciale, toujours des histoires à raconter, on fait connaissance avec d'autres gars qui viennent d'ailleurs, de partout ou de nulle-part, c'est d'une cordialité qu'on ne retrouve aujourd'hui que chez les motards, les vrais.
En général on passe la nuit, du moins maintenant pour le peu de resto qui existent encore, l'autoroute, la législation et les "frets rapides" ont détruit toute cette ambiance.
Personnellement je préférais rouler la nuit, c'est plus calme, arrêt au Routier du coin, une petite heure de "dorme" dans la cabine (Sur le volant, la couchette on a du mal à en sortir) et route, 21h00 à 6h00 la plupart du temps, au premier routier ouvert petit déjeuner et douche, être frais pour livrer.
Et puis il y a les autres clients, les non-routiers, souvent dans une salle à part, certains mangeaient à la même table que nous, une grande table de trois ou quatre mètres, huit ou dix sur la même.
Avec ces clients nous liions connaissance, leur montrer que les routiers ce ne sont pas des hommes à part, mais de ceux qui sont prêt à aider les autres, c'est tellement arrivé.
1977, ile d'Oléron.
Hors saison je travaillais pour les TP locaux, enfouissement de câbles électriques et téléphoniques.
Un camion identique sauf que c'était une benne basculante ou la "goudronneuse" camion équipé d'une citerne à chaudière pour faire fondre le goudron, que du bonheur.
2002, Dunkerque.
Remplacement de chauffeur pendant trois mois, après un boulot à Briançon de quelques semaines, pas facile de travailler si on n'accepte pas tout.
La route c'est d'abord une histoire d'amour avec le ruban (Surnom de la route) on aime ou pas, pour être routier il faut surtout aimer rouler et accepter des conditions de travail souvent très difficiles.
Routier ce n'est pas seulement conduire, c'est aussi avoir du contact avec la clientèle, savoir rédiger les documents, savoir trouver du fret, entretenir son camion, le "bichonner", surveiller les niveaux régulièrement, rendre des comptes, rouler économique pour réduire la consommation de gasoil, respecter la réglementation, etc...
Bientôt, quelques anecdotes de routiers.
Bon Week-end.
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