Cher corps - Petite enfance

Publié le par francois.ihuel15.over-blog.fr

 

Du premier au dernier jour on est inséparables.

Mais alors, quelle galère.

 

Cher corps - Petite enfance

Mémoire d'un esprit.

Dès le début, fort des trois kilos et demi de ce nouveau corps, je m'y suis introduit, venant de nulle part, n'ayant aucun souvenir de ce nulle part qui pourtant m'a frappé l'esprit à ma naissance, je suis donc satisfait de trouver refuge dans ce tendre bambin sans encore savoir ce qu'il va devenir.

Cette chair si chère à mon esprit tombe à point, dans l'obscurité du passage de l'une à l'autre vie les précédentes sont tombées dans l'oubli.

Ce nouveau passage, sur cette terre nouvelle, je m'apprête à le vivre dans ce corps de garçon qu'on m'a confié pour en prendre soin et m'en servir sans restriction juste à considérer que d'en abuser ou le ménager déterminera sa durée.

Les premières années sont faciles, je ne fais rien, juste se laisser nourrir et entretenir, d'autres plus âgés, ayant déjà quelque expérience, se chargent de m'enseigner comment je devrai fonctionner si je veux durer et, si possible, du mieux qu'il sera.

C'est compter sans mon caractère et le bagage que j'ai acquis dans mes précédentes vies, bien que non mémoriel il est à disposition, juste s'en servir, c'est le subconscient.

A cela j'y ajoute le bagage que m'a légué mon père dans le spermatozoïde gagnant et celui que m'a induit ma mère par le cordon ombilical, la liaison des deux ayant créé le plus beau bambin que la terre n'a encore jamais eu, toute modestie personnelle mise à part.

Quand vient l'âge où on commence à se déplacer tout seul viennent aussi les buches et les embuches, les premières douloureuses et les secondes instructives, puisque c'est sur des échecs qu'on construit des réussites.

J'apprends donc la vie d'enfant dans ce corps qui explose de vie et auquel je n'ai encore causé aucun dommage.           

 

Cher corps - Petite enfance

Dès trois ans.

Ayant bien intégré ce corps turbulent je commence à m'habituer à fonctionner avec lui, je le maitrise si bien qu'il m'obéit au doigt et à l'oeil, il fait tout ce que je lui demande et même, parfois, ce que je ne lui demande pas, comme pisser au lit la nuit, ce qui me vaut mes premiers déboires.

Ne pouvant maitriser ce que je ne contrôle pas je ressens, déjà si jeune, une forme d'injustice qui me poursuivra toute ma vie, avec le sentiment que beaucoup ont des jugements expéditifs dont ils ne connaissent strictement rien.

Bien entendu, ayant rejoint d'autres esprits qui ont aussi accaparé un corps, je commence une vie sociétaire très jeune, ont dit école maternelle, là ou on apprend à se passer de papa et maman pendant quelques heures en échange de quelques larmes vite séchées.

C'est d'ailleurs à ce moment que je réalise que pour rester à la maternelle il n'y a pas besoin de grandir, je verrai tellement de grands, bien plus tard, continuer à fonctionner comme à la maternelle, surtout ceux qui ont des responsabilités, ce qui m'amènera à penser que pour commander il n'est pas nécessaire de s'emmerder à apprendre tout ce qu'on va me farcir dans les nombreux tiroirs encore vides, de mon cerveau tout neuf, qu'on m'a octroyés avec ce corps.

Je découvre les couleurs, les objets et la façon de s'en servir, c'est aussi à ce moment précis de la vie qu'on fait ses choix, ceux des objets et ceux des couleurs.

Ma couleur préférée c'est le rose, je peins tout en rose à la maternelle, alors on me montre qu'il y a d'autres couleurs en m'instruisant que le rose n'est pas fait pour les garçons, j'ignorai qu'il y avait des couleurs définies pour des individus bien précis, c'est aussi là que j'ai découvert qu'il y avait aussi des esprits s'étant accaparés des corps autrement constitués que le mien, on les appelle des filles.

On leur dit aussi que le bleu n'est pas fait pour les filles, encore une interrogation sur la capacité de certains à vouloir définir pour les autres ce qu'ils s'imposent, ce qui me classe dans le rang des garçons, c'est donc une découverte capitale à ces âges ou mon esprit, d'une fertilité insondable, ne demande qu'à s'enrichir de ces nouvelles découvertes.

Bien entendu, ce corps que je ne maitrise pas entièrement s'exonère de mes désirs, il se peint le visage et les mains, ce qui vaut quelques frictions au savons et à l'eau froide ainsi que quelques remontrances imméritées, les plus expérimentés chargés de m'instruire, dans des corps nettement plus grands que le mien, ayant certainement oublié qu'ils ont aussi fait la même chose.

On me prête des cubes que je ne sais pas trop manipuler, prémisse de Mai 1968 je les envoie à d'autres qui ne s'y attendaient pas, au lieu de les attraper ils ne les réceptionnent pas vraiment là ou ils étaient attendus, ce qui me vaut encore d'autres remontrances, je me dis que ce corps qui s'amuse à ne pas faire ce que je lui induit va m'attirer des ennuis.

Et puis on me confie de la pâte dite à modeler, ce qui semble logique sauf celle réservée aux crêpes mais nettement moins consistante, cette pâte je la mange n'ayant pas réalisé que la différence se situait dans la consistance et la constitution.

Je ne lui trouve pas de gout particulier mais comme ça me colle aux dents je la recrache de tout mon souffle vers ceux qui, comme moi, semblent ne pas trop savoir qu'en faire, malgré ce partage pas trop heureux je me fais gronder, de maitriser ce corps de quatre ans semble plus difficile que le voyage oublié qui m'a fait passer du précédent à celui-ci.

 

Cher corps - Petite enfance
Cher corps - Petite enfance

Changement de statut.

Cette maternelle semble trop étroite pour moi, alors on me fait faire des essais dans différents domaines, ma plus belle réussite, à cinq ans, c'est ce tableau de peinture sur plâtre miraculeusement arrivé jusqu'en 2017, pourtant peint en 1955 par mes petites mains inexpérimentés et n'en faisant qu'à leur désir, mon esprit si érudit ne parvient pas à discipliner ce petit garçon devenant de plus en plus turbulent.

Déjà, en Bretagne, j'avais les prémices de la bougeotte excessive.

Alors on va me mettre chez les grands, pas aussi grands que ceux qui sont chargés de me montrer le bon chemin mais assez grands pour maitriser les pipis au lit et quelques mots déjà intelligibles. 

Pourtant, en Bretagne, ce corps libéré de la contrainte parentale, pour quelques temps, va se comporter de telle façon qu'il va échapper à mon contrôle.

Faire des bêtises c'est réservé aux bambins et jeunes enfants, après, à l'âge adulte, on appelle ça des responsabilités, qui ressemblent d'ailleurs beaucoup aux bêtises mais comme ce sont ceux qui les font qui les nomment autrement tout le monde doit les avaliser, voire faire les mêmes. 

Donc, pisser dans le seul puits du village est assimilé à une bêtise, même si les habitants de ce village ne boivent que du vin. L'urine d'un petit garçon turbulent mélangé à l'eau qui va cuire la soupe ça ne se fait pas, même si, le temps de réagir, de sévir et de puiser, l'eau en abondance a largement eu raison de cet épanchement urinaire de mon corps si désobéissant.

Ne pouvant plus pisser là où je veux je laisse donc ma vessie se démerder toute seule et tant pis pour les culottes mouillées, je compense en allant chercher des grenouilles pour les glisser dans le linge que les mères de familles nettoient au lavoir, ces femmes disent tellement souvent que c'est la fête à la grenouille, en cette Bretagne si pluvieuse, que pour les contenter et leur faire plaisir je leur en amène quelques-unes, ce qui me vaut encore quelques remontrances et, depuis pas très longtemps, des coups de martinet ou de jonc, les mollets dénudés des petits garçons en culotte courtes n'aiment pas du tout.

Pour se venger, ces mollets portent ce petit garçon, décidément pas très sage, près des prés, ce dernier, constatant que les vaches mangent de l'herbe, se dit que si elles pouvaient aussi manger les badines de jonc ce serait un bien pour eux. Donc, les mollets donnent aux mains du petit garçon l'ordre d'ouvrir la barrière qui évite que les vaches ne vagabondent, puis, pour les aider à se diriger vers ces joncs si destructeurs de mollets, entrent dans ce prés et se mettent à courir pour que le petit garçon qu'ils portent fasse fuir les vaches, criant de sa voix fluette mais décidée quelques unes sortent effectivement de ce prés mais ne se dirigent pas vers ces joncs à faire disparaitre.

Ce qui fait qu'au beau milieu du village ces dites vaches préfèrent brouter les fleurs des braves mère de famille qui ont fait exprès de les étaler sur les bords de fenêtre pour attiser la convoitise des vaches, ce que voyant, quelques ivrognes encore lucides se mettent à courir derrière ces vaches qui, elles, n'ont encore rien bu, la course est inégale, quatre pattes bovines valant mieux que deux pattes déjà bien saoules, même si les bras aident un peu quand ces bipèdes se transforment soudain en quadrupèdes, l'eau du puits pleine de pipi de petit garçon n'ayant pas le même effet que le jus de raisin en bouteille qui compense cette pollution enfantine.

C'est donc le retour des joncs, que ces vaches de vaches n'ont pas voulu bouffer, qui se retrouvent à nouveau en contacts rapides et saccadés sur les mollets qui en cuisent. Pour calmer cette cuisson douloureuse le petit garçon a repéré un bassin plein de pommade à guérir, celle qu'on met dans les cataplasmes quand on a des maux. Du moins le croit-il.

Content de trouver cette médication en abondance et même pas surveillée, il y plonge ses mollets surchauffées de ces coups de jonc. Pas de chance, la margelle glisse beaucoup et c'est donc le fessier qui atterrir le premier dans la pommade, qui, en y regardant de plus près, ressemble étrangement à la pâté aux cochons.

Ne pouvant pas rester tout habillé dans cette pataugeoire, le petit garçon se met tout nu et trouve bien amusant de se rouler dans ce bassin dans lequel les cochons viennent aussi parfois y manger. Bien entendu, c'est encore quelque chose de défendu. Comment le savoir !

La vie ne se déroulant pas comme prévu, ce petit garçon reprend encore quelques coups, histoire de lui faire comprendre que sa vie ne dépend pas de lui mais des autres, ça lui tiendra longtemps cette frustration. C'est donc avec soulagement que moi, esprit ayant de moins en moins de pouvoir sur ce corps de petit garçon de plus en plus turbulent, je lui fait franchir les portes d'une nouvelle école qu'on dit "grande", ce qui l'étonne puisque c'est la même sauf la classe.

Devenu un "grand" le temps des vacances, il se laisse aller à regarder de façon supérieure ces petits qu'il vient à peine de quitter, comme quoi, la place dans une société ne dépend pas de celle qu'on y occupe mais de l'importance qu'on lui donne en la nommant autrement.

   

Cher corps - Petite enfance

Grand parmi les petits.

Cette nouvelle condition a ses avantages et ses inconvénients. Les avantages c'est un cartable en cuir, il est beau, il sent bon le cuir, il est neuf, ce qui a dû occasionner quelques efforts financiers, j'ai cru comprendre que j'ai hérité d'un corps qui serait issu d'une famille loin d'être dans l'opulence.

Je possède un magnifique plumier en bois s'ouvrant en pivotant par le milieu dans le sens de l'épaisseur, le compartiment du dessus comprenant la gomme, le taille crayon métallique à deux trous, un pour les gros crayons, qu'on n'utilise d'ailleurs que rarement, et l'autre pour les crayons de taille standard, une boite de plumes Sergent Major, un porte-plume en bois qui va vite aussi servir de pinceau quand j'aurai machouillé la partie opposée à la plume, il arrivera même que je suce la plume bien mouillée de son encre les jours de distraction, nombreux, les dents à l'encre violette c'est moins bien que le dentifrice qu'on n'avait d'ailleurs pas à la maison. 

Le compartiment du dessous, qui se dévoile quand on fait pivoter le dessus, insère les crayons de couleur, que je vais bouffer aussi, le gout de mon préféré restant le vert, un compas, une règle carrée en bois de dix centimètres, gradué sur deux faces, puis le petit pot de colle qui est resté mon met préféré, de ce pot j'en dégustais plus que je n'en utilisais, la petite pelle bien pratique pour aller y chercher les dernières parcelles du fond.

Par la suite, ayant rapidement détruit ce magnifique plumier, on m'en a acheté un autre, en bois également, qui était d'une seule pièce avec un couvercle coulissant dans des rainures, j'y mettais de tout y compris ce qui n'avait rien à y faire. 

Puis de beaux cahiers neufs, de cinquante pages ou de cent pages, suivant l'usage à en faire, ils étaient bien pratiques avec les tables de multiplications imprimées sur la couverture du dessous, deux cahiers de brouillon, un cahier du jour, lignés tous les trois, et puis un cahier de leçons de choses à carreaux, une page d'écriture et une page de dessin alternativement.

Des chaussures en cuir, une culotte courte, puisque j'étais trop petit pour avoir droit au pantalon, une blouse grise par-dessus ma chemise ou mon gros pull de laine qui me piquait de partout. Des chaussettes en laine que je remontais en permanence, le genre tire-bouchon dans ces chaussures en cuir si fragile que la semelle prenait souvent l'eau.

Les inconvénient se résument en peu de chose, être intégré dans les corvées familiales, nombreuses, et tater de plus en plus souvent du martinet histoire d'assouplir ses poils sur nos couennes sensibles, du moins au début.

C'est donc avec cette dernière trouvaille pour punir les enfants turbulents que j'ai compris que le petit corps de petit garçon que j'avais investi n'était pas au bout de ses peines. Les jeux de récréation lui infligeant aussi quelques dommages mettant à mal cette peau encore si fragile, même pas encore finie elle se parait déjà de quelques cicatrices diverses et définitives, les plus nombreuses aux genoux et aux coudes.

De la même façon, ce corps si turbulent, s'exonérant de plus en plus de mes directives spirituelles, s'attachait a chercher les coups en négligent les plus élémentaires recommandations, à savoir prendre soins de ses affaires, c'est oublier que pendant les bagarres de mômes c'est une préoccupation nettement secondaire, ce qui occasionne des retours de martinet ou de ceinturon.

Qui plus est, les billes gagnées, plus ou moins honnêtement, ça pèse lourd dans les poches, ces dernières non conçues pour gonfler à exploser se crevaient par le bas répandant ces précieuses billes dans la cour au grand bonheur de ceux qui les avaient perdu au jeu, la tique restant ma meilleure performance pour m'en enrichir. Ma mère, prévenante pour les poches et ayant de la ressource, a cousu des chaussettes en double épaisseur pour contenir nos billes, l'inconvénient c'est le poids, ça ne parait pas comme ça mais une centaine de billes ça pèse lourd.

Bien entendu ça générait des bagarres, des coups, des bleus, des écorchures et des déchirures de vêtement, ce qui occasionnait quelques supplément de coups de martinet. À huit ans, je ne les sentais déjà plus, m'étonnant même ne pas en prendre régulièrement j'étais presque demandeur les jours ou on m'avait oublié dans les distributions régulières.

Il y a aussi les livres, ceux que l'école nous confiait pour dix mois, souvent usagés, voire usés, il fallait les couvrir de papier et y mettre une étiquette pour en déterminer le contenu, un bon papier solide et épais pouvait tenir toute la durée de l'année scolaire, pour les gens un peu juste le papier bon marché se déchirait facilement, donc, faisant partie de ces "rebuts" de la société qu'on appelle pauvres ou paumés, j'avais des couvertures vite dégradées, ça me valait des punitions à l'école et des raclées à la maison, c'était encore l'époque ou les parents prenaient faits et causes pour les maitres et les maitresses, pas comme maintenant où ils cognent sur les instituteurs. 

Puis les ardoises, de vraies ardoises minérales, encadrées par un châssis de bois, avec la petite éponge ronde qu'on avait aussi dans le plumier pour la nettoyer après chaque usage, cette boite ronde qu'on humectait aux lavabos de l'école ou à la maison avant de partir. Bien entendu mes humidifications étaient parfois généreuses, les cahiers et les livres transportés dans le cartables en souffraient, ce qui me valait encore quelques coups de martinet supplémentaires.

Décidément, moi, esprit si bien rodé de mes précédentes vies, je me suis attaché à ce petit garçon qui va m'en faire voir de toutes les couleurs.

La suite dans quelques jours.

Bonne soirée à tous et à très bientôt.

 

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Publié dans Vie privée

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